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Pourquoi la peine de mort doit être abolie ?
--> Une interview historique et capitale de 1978.
La peine de mort (dossier historique en complément à l'étude entamée sous le titre "Peine de mort et littérature") Interview d’un abolitionniste.
(septembre 1978) Maître Badinter qui sera l’homme de l'abolition de la peine de mort en France répondait aux questions du journaliste Jean-Louis
Servan-Schreiber. Voici des extraits de la première partie de cette interview télévisée qui représente une synthèse argumentative majeure pour la question : J-L S : (…) Robert Badinter,
pourquoi est-ce que les Français, peuple anciennement civilisé, sont encore
favorables, à 58 %, au maintien de la peine capitale ? Maître Badinter : Non, peuple
toujours civilisé. Pourquoi ? D’abord une première observation : je
ne crois pas que l’on puisse utilement se fonder sur les sondages quand il
s’agit de la peine de mort. Je ne parle déjà pas du facteur circonstance :
si un crime terrible vient d’être commis, évidemment, le lendemain, vous aurez
un sondage qui indiquera un accroissement des partisans de la peine de mort. À
l’inverse, si vous êtes dans une période plus calme, on les voit tomber. Mais
je trouve ça artificiel parce que poser comme cela la question :
« Êtes-vous pour ou contre l’abolition ? » c’est ne pas mesurer
que c’est aussi abstrait que de parler de la grâce ou de la prédestination. En
réalité, il y a un sondage permanent et qui, lui, a tout son sens, on n’y pense
pas assez. La peine de mort, elle interpelle certains hommes à un moment précis,
directement : je veux dire les jurés ; on ne doit pas parler de la
peine de mort en soi. Ce qui se pose, c’est la question du prononcé de la peine
de mort, c’est-à-dire ceux qui décident de condamner à mort. Et là, si vous suivez
la courbe, si vous regardez l’évolution des réponses à cette question qui
engage ceux qui sont amenés à répondre, c’est-à-dire les jurés, vous constatez
que la peine de mort est agonisante en France. Vous aviez cinquante
condamnations à mort par an sous Par conséquent, vous avez de moins en moins de
condamnations à mort et, aux réquisitions qui demandent la mort, vous avez de
plus en plus une réponse négative. C’est ça le vrai sondage. Ce n’est pas le
sondage général pratiqué sur l’opinion publique. Maintenant, en ce qui concerne
la réflexion commune, je dirai qu’il faudrait commencer par informer. C’est
très difficile. Et c’est pourquoi je suis content d’être là ce soir parce que
c’est très difficile. Il y a un phénomène de blocage qui fait que, lorsqu’on
essaie d’analyser avec lucidité le problème des rapports des Français, de J-L S : (…) Qu’est-ce qui fait
qu’un individu, un Français comme tous les autres, qui a reçu une éducation
assez libérale que dispense l’enseignement, est aussi passionnément,
éventuellement, pour la peine de mort ? Comment jugez-vous cette réaction
indviduelle, vous qui êtes en contact avec des gens qui vous injurient à cause
de votre position ? Maître Badinter : C’est, à mon
sens, d’abord un phénomène d’identification aux victimes et, quand on dit
victimes, on dit nécessairement parents de la victime ; on s’identifie à
celui ou à celle dont l’enfant a été tué, dont la femme a été tuée et,
évidemment, naît, à ce moment-là, la pulsion de mort qui est tout à fait
naturelle chez celui qui est atteint ; c’est une réaction de l’animal
humain. Mais on ne s’identifie pas – et c’est très remarquable – aux autres
victimes. Par exemple, j’ai remarqué qu’il est très difficile de s’imaginer en
père ou en mère d’un assassin et, pourtant, cela arrive, je le sais. Se dire
qu’on peut être celui dont on va guillotiner le fils, ça non. Parce que c’est
insupportable à chacun d’entre nous,
l’idée de se dire que son fils peut être un assassin, qu’il peut monter sur
l’échafaud. Par conséquent, le phénomène d’identification joue toujours du côté
de la victime et c’est légitime, c’est naturel. Et évidemment, à ce moment-là,
vous avez la réaction passionnelle. Mais cela n’a rien à voir avec le problème
lui-même de la peine de mort dans une société. J-L S : Si la peine de mort
continue à exister, si même, sur le plan numérique, c’est devenu un phénomène
restreint, sur le plan moral et passionnel cela reste quelque chose de
considérable – la preuve : les difficultés qu’on a à surmonter le problème
en France. C’est donc qu’elle a, en principe, une fonction. Quelle est, dans la
définition de la justice actuelle, la fonction de la peine de mort ? Maître Badinter : Ce que l’on a
remarqué c’est que les partisans de la peine de mort vous disent tous :
« Il faut attendre des temps plus paisibles et puis, à ce moment-là, nous
cesserons de la conserver. » C’est très remarquable parce que cela veut
dire qu’on garde la peine de mort non pas parce qu’elle a une valeur morale –
vous remarquerez que personne ou presque personne ne soutient que la peine de
mort aurait une valeur morale et, au contraire, vous avez des déclarations
morales dans l’autre sens, venant des instances que vous évoquiez – mais
toujours une fonction utilitaire. Et ce qu’il y a de remarquable, quand on veut
essayer de regarder le problème, c’est que tous les faits démentent cette fonction
utilitaire de la peine de mort dans la lutte contre la criminalité sanglante. Je sais bien qu’on a toujours horreur des chiffres et j’indiquerai
simplement quelques données qui sont concordantes. Vous avez eu un rapport des
Nations-Unies ; vous avez eu un rapport du Conseil de l’Europe ; vous
avez eu en Angleterre un livre blanc très bien fait sur l’évolution de la
criminalité sanglante dans les pays où l’on a aboli la peine de mort ;
vous avez eu la même chose au Canada, on a procédé très scientifiquement. (…) La courbe du crime sanglant est sans rapport avec la présence ou
l’absence de la peine de mort. Et c’est très curieux parce qu’il n’y a, à ma connaissance qu’un pays
dans lequel il y ait, sur ce point, une expérience historique et c’est le
nôtre. C’est tout à fait remarquable ; c’est tout à fait inconnu. Et,
quand je le raconte, cela n’entre pas, jusqu’à présent, jusqu’au niveau
conscient puisque je me heurte toujours à ces réactions passionnelles : en
France, sous J-L S : Il n’y a pas eu d’exécution
du tout pendant cette période ? Maître Badinter : Presque pas. Cela
n’a, d’ailleurs, pas servi leur popularité. Mais enfin, dans la première
période, normalement, puisqu’on guillotinait en nombre, on aurait dû se trouver
en présence d’une réduction de la criminalité sanglante ; et dans la
deuxième période, puisqu’on ne guillotinait pas, les assassins auraient dû en
tirer avantage et on aurait dû avoir une augmentation de la criminalité
sanglante. Eh bien, c’est exactement le contraire : c’est-à-dire que dans
la deuxième période, celle où on ne guillotinait pas, le nombre de crimes
sanglants a presque diminué de moitié. Je ne dis pas que c’est une conséquence,
mais c’est simplement pour indiquer que c’est sans corrélation. C’est
d’ailleurs à l’issue de cette deuxième période, qui se situe en 1897-1906, que
le Garde des Sceaux de l’époque, qui était Briand, a décidé qu’il fallait en
finir et que J-L S : Et cela dure depuis
soixante-dix ans ? Maître Badinter : Et c’est comme ça
qu’on n’a pas aboli en France la guillotine. Briand avait songé à un moyen
terme : il s’était dit que le plus simple était peut-être de supprimer le
traitement du bourreau du budget et que, comme cela, faute de bourreau, la
guillotine cesserait de fonctionner. Cela n’a pas réussi pour des raisons de
pures circonstances, c’est tout. ( à suivre …) Ecrit par Hurricane, le Jeudi 9 Février 2006, 09:56 dans la rubrique "Actualités".
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