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Lis-Tes-Râtures
La rencontre amoureuse
--> "Le Rouge et le Noir"

 Nous poursuivons le thème de la rencontre romantique.

 

Stendhal, « Le Rouge et le noir » (1830).

 

 

 Julien Sorel a été renvoyé de la scierie dirigée par son père. Celui-ci a été mis hors de lui en apercevant Julien en train de lire au lieu de surveiller son ouvrage. Dans cette page, le jeune homme, sous le double point de vue du narrateur et de Madame de Rênal, présente une apparence de féminité et de fragilité trompeuses. À ce stade du roman, la jeune femme semble encore en position de force et la scène de la rencontre n’est pas sans rappeler la première entrevue entre Jean-Jacques Rousseau et Madame de Warens … Mais cette « faiblesse » extérieure ne cache-t-elle pas chez Julien une force intérieure encore insoupçonnée ?

 

 

 

 « Il avait les joues pourpres et les yeux baissés. C’était un petit homme de dix-huit à dix-neuf ans, faible en apparence, avec des traits irréguliers, mais délicats, et un nez aquilin. De grands yeux noirs, qui, dans les moments tranquilles, annonçaient de la réflexion et du feu, étaient animés en cet instant de l’expression de la haine la plus féroce. Des cheveux châtain foncé, plantés fort bas, lui donnaient un petit front, et, dans les moments de colère, un air méchant. Parmi les innombrables variétés de la physionomie humaine, il n’en est peut-être point qui se soit distinguée par une spécialité plus saisissante. Une taille svelte et bien prise annonçait plus de légèreté que de vigueur. Dès sa première jeunesse, son air extrêmement pensif et sa grande pâleur avaient donné l’idée à son père qu’il ne vivrait pas, ou qu’il vivrait pour être une charge à sa famille. Objet des mépris de tous à la maison, il haïssait ses frères et son père ; dans les jeux du dimanche, sur la place publique, il était toujours battu.

 

Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, Mme de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut, près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette.

 

Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de Mme de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d’entrée, et qui évidemment n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette. Mme de Rênal s’approcha, distraite un instant de l’amer chagrin que lui donnait l’arrivée du précepteur. Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. Il tressaillit quand une voix douce dit tout près de son oreille :

 

- Que voulez-vous ici, mon enfant ?

 

Julien se tourna vivement, et, frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de sa beauté, il oublia tout, même ce qu’il venait faire. Mme de Rênal avait répété sa question.

 

- Je viens pour être précepteur, madame, lui dit-il enfin, tout honteux de ses larmes qu’il essuyait de son mieux.

 

Mme de Rênal resta interdite, ils étaient fort près l’un de l’autre à se regarder. Julien n’avait jamais vu un être aussi bien vêtu et surtout une femme avec un teint si éblouissant, lui parler d’un air si doux. Mme de Rênal regardait les grosses larmes qui s’étaient arrêtées sur les joues si pâles d’abord et maintenant si roses de ce jeune paysan. Bientôt elle se mit à rire, avec toute la gaieté folle d’une jeune fille, elle se moquait d’elle-même et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Quoi, c’était là ce précepteur qu’elle s’était figuré comme un prêtre sale et mal vêtu, qui viendrait gronder et fouetter ses enfants. »

 

  

 

 

Ecrit par Hurricane, le Jeudi 16 Mars 2006, 21:56 dans la rubrique "Textes".


Commentaires :

  PapillonLea
17-03-06
à 10:00

encore une fois merci de cet extrait, je n'ai jamais lu "le rouge et le noir" et ne connait que cet extrait étudié à l'école il y a fort longtemps et qui reste un très bon souvenir.
Ce livre me fera toujours penser à une anecdote qui est arrivée à une amie qui travaillait dans une librairie : un étudiant lui avait demandé "le rouge uniquement" pensant qu'il s'agissait de 2 tomes!

  Hurricane
17-03-06
à 23:16

Re:

Merci surtout de ton passage ! Ton anecdote sur le client naïf me rappelle celle du questionnaire littéraire posé à toute vitesse du type : qui a écrit "Les Fables" de La Fontaine ? - La Fontaine ! Avec l'inévitable "plantage"en fin de liste : Qui a écrit "Les Lettres de mon Moulin "? - Mon Moulin ! :-)