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La Peine de Mort et la Littérature
--> Une conférence de l'abolitionniste Louis Liard au XIX° siècle.

La peine de mort (2)

 

Un grand universitaire français, Louis Liard s’exprimait en ces termes lors d’une conférence donnée au XIX° siècle contre la peine de mort…

 

 « Tout a été dit contre la peine de mort, depuis qu’on a proposé de l’abolir. Lorsque la société frappe un criminel, de trois choses l’une : ou bien elle se venge d’un outrage reçu ; ou bien elle impose une expiation coupable, et, selon la parole de Bossuet, elle répare par le châtiment l’ordre du monde troublé par le crime ; ou bien elle se défend et se met en garde contre de nouvelles attaques.

 

 La société se venge-t- elle ? La vengeance, c’est dit-on, le plaisir des dieux … des dieux du paganisme ; mais elle ne saurait être le plaisir du chrétien ni de l’homme moderne : charité, telle est la devise du premier ; justice, celle du second. La société doit ignorer les passions de l’individu. Exercée par elle, la vengeance serait cent fois plus odieuse encore qu’exercée par l’individu. En effet, l’individu qui se venge va droit à son ennemi ; il se mesure corps à corps avec lui ; il court les risques d’une lutte douteuse toujours, et dans laquelle il succombera peut-être. La société, au contraire, commence par désarmer le coupable ; et quand elle le tient là, pieds et poings liés, incapable de faire un mouvement, elle le tuerait froidement, lâchement, pour le seul plaisir de la vengeance !

 

 Mais ne vous y trompez pas ; ce qu’on demande, ce n’est pas la pure et simple privation de vie ; on veut la mort, mais on la veut précédée et accompagnée de tortures, de mutilations, de supplices épouvantables. Lorsque l’assassin paraît devant la société, les forces de tous sont liguées contre un seul ; il n’y a pas, comme tout à l’heure, lutte d’un contre un.

 

 Lorsque l’ennemi m’attaque, le danger est imminent ; j’ai le couteau sous la gorge ; il me faut périr ou tuer. Je tue : la loi naturelle m’autorise, m’approuve et me justifie. Lorsque l’assassin paraît devant la société, il est désarmé, il est pieds et poings liés, incapable de nuire, puisqu’il est captif.

 « Que diriez-vous d’un vainqueur qui ferait mourir son ennemi captif ? Que diriez-vous d’un homme qui ferait égorger un enfant qu’il pourrait désarmer ? Eh bien ! Un accusé que la société condamne n’est plus pour elle qu’un ennemi vaincu et impuissant ; il est devant elle plus faible qu’un enfant devant un homme fait. Il n’y a plus de danger immédiat ; on ne peut tuer l’ennemi sous prétexte de légitime défense. » Voilà, messieurs, le noble langage que Robespierre tenait à l’Assemblée révolutionnaire en 1791 . Plût au ciel que ses paroles eussent été écoutées. Que de têtes épargnées, celle de Robespierre lui-même !

 

 La peine de mort a été abolie dans les Etats de Michigan et de Rhode-Island aux Etats-Unis ; elle a été abolie dans les duchés d’Oldenbourg, d’Anhalt et de Nassau en Allemagne ; elle a été abolie dans les cantons de Neuchâtel, de Zurich et de Fribourg en Suisse, dans la Toscane en Italie ; elle a été abolie, depuis 1855, dans les Républiques de la Nouvelle-Colombie, de la Nouvelle-Grenade, dans l’Etat d’Indiana, dans la Moldo-Valachie, dans les royaumes de Saxe et du Portugal ; et dans aucun de ces états, on n’a éprouvé le besoin de relever l’échafaud ou la potence ; dans aucun d’eux, le nombre de crimes ne s’est accru.

 

 Pour qui est l’exemple ? Est-ce pour recueillir un enseignement moral que ces foules populaires composées en grande partie de femmes et d’enfants assiègent, plusieurs jours à l’avance, le lieu du supplice ? Est-ce pour recueillir un enseignement moral que des désoeuvrés du grand monde, des femmes du demi-monde, se font conduire en poste, au pied de l’échafaud ? Je n’exagère rien. Lors de l’exécution de Poncet à Versailles – vous pouvez vérifier le fait dans les journaux du temps - , des  attelages de poste étaient venus stationner, dès l’aube, sur le lieu de l’expiation ; des marchands de vin, de gâteaux, de cigares, s’étaient installés sur cette place sinistre ; on vendait, on chantait la complainte du condamné dont la tête allait tomber quelques instants après, on eût dit vraiment que cette foule bruyante, agitée, rieuse, était venue là pour assister à un spectacle.

 

 Oui ! elle était venue pour assister au spectacle gratuit de la mort d’un homme ; et elle s’en retourna aussi bruyante qu’elle était venue, enivrée de sang, plus cruelle, mais non pas meilleure. J’ai prononcé le mot fête, et je ne le retire pas. Tant que l’échafaud sera debout, le peuple célèbrera les fêtes de l’échafaud. »

 

 

 

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Ecrit par Hurricane, le Dimanche 29 Janvier 2006, 00:41 dans la rubrique "Textes".