Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?


Recherche


Index des rubriques

Ailleurs sur Joueb.com

Lis-Tes-Râtures
La Peine de Mort et la Littérature
--> La position des écrivains

Peine de mort et littérature.

 

 Le sujet de la peine de mort reste d’actualité. Très récemment, encore, un condamné à mort de 76 ans a été exécuté.

 Les écrivains se sont depuis longtemps souciés de cette question majeure.

 Je vous propose la lecture de quelques textes-clés sur ce thème que j’exposerai en plusieurs étapes, étant donné la richesse du dossier. À la suite de chaque texte, chacun pourra librement s’exprimer et donner ses commentaires. Je vous indiquerai la façon dont je perçois le texte cité. Bonne lecture !

 

 

 En France, au Moyen-Âge, un célèbre poète, mauvais garçon à ses heures, a failli être pendu. Il s’agit de François Villon. À la suite de cette mésaventure, il compose « La Ballade des Pendus ».

 

 L’auteur :

 

 François Villon est né à Paris en 1431 ; il s’appelait, semble-t-il, François de Montcorbier ou des Loges. À la mort de son père, il fut pris en charge par un chapelain, Guillaume de Villon, qui lui donna son nom.

 Le jeune homme suivit les cours de la faculté de Lettres de la Sorbonne dont il sortit diplômé en 1452.

 Sa jeunesse fut très agitée et aboutit au meurtre : en 1455, Villon tue un prêtre et est exilé de Paris.

 L’affaire fut classée, mais en 1456, il fut de nouveau impliqué dans un vol. Il quitta encore une fois la capitale, mena une vie errante, fut emprisonné, puis libéré grâce à l’intervention de Louis XI.

 Il se cacha aux alentours de Paris, commit une nouvelle série de méfaits, fut inculpé et mis en prison.

 En 1462, arrêté encore à la suite d’une rixe, il fut condamné à mort, mais le Parlement de Paris annula la sentence qu’il remplaça par une interdiction de séjour pendant dix ans.

 Après 1463, on perd la trace du poète ; peut-être a-t-il séjourné en Angleterre ou dans le Poitou …

 

  Ses principales œuvres : - « Le Lais » (1456)

- « Le Testament » (1462)

- « La Ballade des Pendus » (1462).

 La Ballade :

 

 C’est un genre poétique dont le modèle a été établi au XIVe siècle, en usage jusqu’à la Renaissance, il est réapparu au XVIIe puis au XIXe siècles.

 La ballade se présente sous deux variantes : l’une de 28 vers octosyllabes séparés en trois strophes et un envoi ; l’autre de 34 vers décasyllabes répartis de même manière.

 Les schémas de rimes sont rigoureusement identiques dans les trois strophes, qui se terminent toutes, ainsi que l’envoi, par les mêmes vers.

 

 « La Ballade des Pendus » :

 

 

 « Frères humains qui après nous vivez

 N’ayez les cuers contre nous endurciz,

 Car se pitié de nous pouvres avez,

 Dieu en aura plus tost de vous merciz.

 Vous nous voyez cy attachez cinq, six :

  Quant de la chair, que trop avons nourrie,

 Elle est pieça dévorée et pourrie,

 Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.

 De nostre mal personne ne s’en rie :

 Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

 

 Se frères vous clamons, pas n’en devez

 Avoir desdain, quoy que fusmes occiz

  Par justice. Toutesfois, vous savez

 Que tous hommes n’ont pas le sens rassiz ;

 Excusez-nous puis que sommes transsis,

 Envers le fils de la Vierge Marie,

 Que sa grâce ne soit pour nous tarie,

 Nous préservant de l’infernale fouldre.

 Nous sommes mors, ame ne nous harie ;

  Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

 

 La pluye nous a deduez et lavez,

 Et le soleil dessechez et noirciz,

 Pies, corbeaux nous ont les yeux cavez

 Et arraché la barbe et les sourciz,

 Jamais nul temps, nous ne sommes assiz

 Puis ça, puis la, comme le vent varie,

  A son plaisir sans cesser nous charrie,

 Plus becquetez d’oiseaux que dez à couldre.

 Ne soyez donc de nostre confrarie,

 Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

 

 Prince Jhesus, qui sur tous as maistrie,

 Garde qu’Enfer n’ait sur nous seigneurie :

 A luy n’avons que faire ne que souldre.

 Hommes, icy n’a point de moquerie,

 Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. »

 

 Commentaires et réactions :

 

 Je vous livre mes impressions de lecture :

 

- De manière inattendue, Villon donne la parole … aux cadavres des condamnés à mort (tandis qu’il s’attend lui-même, selon ses mots, à être « pendu et étranglé » !). Cela produit un effet dramatique.

- On constate que dans l’esprit d’un homme du Moyen-Âge, le châtiment est double, à la fois terrestre devant la justice humaine et, plus terrible, céleste, avec les risques de l’enfer. La structure sociale féodale se reproduit dans l’au-delà où il faut faire son hommage au « prince Jhésus » pour échapper à un suzerain plus redoutable, Satan. Ayant commis de lourdes fautes, les pendus font appel à un intercesseur pour s’adresser à Dieu.

- Parmi les raisons invoquées par les pendus afin que les vivants leur pardonnent, à côté d’arguments évidents, l’un paraît étrangement moderne : celui qui évoque une forme d’irresponsabilité pénale relevant presque du domaine psychiatrique : « Toutesfois, vous savez / Que tous hommes n’ont pas le sens rassiz ».

- Ce poème atteint un degré de réalisme cru dont se souviendra sans doute Baudelaire dans une des œuvres majeures de « Les Fleurs du Mal », « La Charogne » : Villon présente les sinistres grappes humaines « Vous nous voyez cy attachez cinq, six » dont Théodore de Banville, au XIXe siècle se fera l’écho dans un poème homonyme. La pluie et le soleil ont accéléré le processus de destruction corporelle, les visages ont été mutilés par les oiseaux « Plus becquetez que dez à couldre » ; les cadavres sont condamnés à ne jamais s’asseoir, les corps sont devenus des pendules humains, des balanciers éternels, ce que renforce le rythme monotone des vers « Puis ça, puis la comme le vent varie »et l’aspect intangible du genre poétique choisi. Le drame de la mort c’est la privation d’autonomie : ceux qui dominaient les éléments sont aussi condamnés à les subir « le vent … à son plaisir nous charrie", les nombreux participes indiquent aussi tous les mauvais traitements à endurer.

- Ce réalisme n’est pas gratuit : Villon semble garder un relatif optimisme sur l'Homme : une fois ce processus de décomposition accompli, il demeure l’âme qui revendique un reste de bonté dans son affirmation de la haine de l’enfer et cet appel au pardon qu’elle adresse aux frères humains, peut-être nous, aujourd’hui, pour qui il est émouvant de recevoir cet appel d’outre siècles !

 

 

 

 

Ecrit par Hurricane, le Samedi 21 Janvier 2006, 22:59 dans la rubrique "Textes".


Commentaires :

  Tsu
24-01-06
à 22:16

Cette ballade me rappelle un certain cours de français! ;)

  Hurricane
25-01-06
à 16:34

Re:

    Quelle mémoire et quelle qualité d'écoute ! En effet ! Mais remarque le condensé qui en a été réalisé ! :-)))